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ALITA : BATTLE ANGEL

La fiche

Réalisé par Robert Rodriguez  – Avec Rosa Salazar, Christoph Waltz, Ed Skrein…
Etats-Unis – Science-fiction – Sortie : 13 février 2019 – Durée : 122 min

Synopsis : Lorsqu’Alita se réveille sans aucun souvenir de qui elle est, dans un futur qu’elle ne reconnaît pas, elle est accueillie par Ido, un médecin qui comprend que derrière ce corps de cyborg abandonné, se cache une jeune femme au passé extraordinaire. Ce n’est que lorsque les forces dangereuses et corrompues qui gèrent la ville d’Iron City se lancent à sa poursuite qu’Alita découvre la clé de son passé – elle a des capacités de combat uniques, que ceux qui détiennent le pouvoir veulent absolument maîtriser. Si elle réussit à leur échapper, elle pourrait sauver ses amis, sa famille, et le monde qu’elle a appris à aimer.

La critique du film

Hasard du calendrier, l’auteur de ces lignes a vu, à une semaine d’intervalle, Aliens, le retour et Alita : Battle Angel. Quelque chose le frappa : la manière dont ces films, tous deux réalisés par des hommes (James Cameron à la réalisation du premier et à la production du second, Robert Rodriguez à la réalisation du second), traitent l’empouvoirement féminin.

On mesure les progrès du féminisme accomplis en trente ans dans la culture populaire, même s’il demeure sous la férule du male gaze. Dans Aliens 2, l’empouvoirement échoie à Ripley par défaut, pourrait-on dire : c’est parce qu’elle demeure la seule personne compétente à bord de l’expédition après l’embuscade des aliens qu’elle en devient la commandante informelle. L’empouvoirement féminin (n’oublions pas celui de Vasquez, la meilleure guerrière de l’unité) surgit des ruines d’une virilité littéralement taillée en pièces. La trajectoire d’Alita est l’inverse de Ripley : naïve et surprotégée par un entourage masculin – le docteur Ido Dyson (Christoph Waltz), son père adoptif, Hugo (Keean Johnson), son premier amour, Vector (Mahershala Ali), patron du Motorball à Iron City… – au début du film, elle s’en émancipe progressivement à la force de ses bras. D’ingénue caricaturale lors d’une première demi-heure poussive, elle s’accomplit finalement en Valkyrie moderne et berserker féminin. Premier opus de ce qui apparaît comme une future saga, Alita : Battle Angel raconte la création d’une nouvelle figure proto-révolutionnaire.

Figure d’empouvoirement

Le personnage d’Alita se situe au croisement de deux influences. D’une part, les « femmes fortes » des années 80 (Ripley dans Aliens, Sarah Connor dans Terminator…), à la limite de l’androgynie, réactualisées au début des années 2010 par les sagas adolescentes comme Hunger Games et Divergente. À l’instar de Katniss Everdeen et son arc, l’image d’Alita brandissant son épée est appelée à se transformer en icône populaire. D’autre part, Alita : Battle Angel adaptant le manga Gunnm du Japonais Yukito Kishiro, le film puise dans bon nombre d’héroïnes nippones des années 80-90 : Akira, Major dans Ghost in the Shell, lui-même réadapté pour Hollywood il y a deux ans… Autant de femmes indépendantes de facto, et dont l’empouvoirement passe par la maîtrise martiale de leur corps.

Alita battle angel

À la confluence de ces deux sources émerge un personnage hybride, un cyborg cinématographique : Alita. De la tradition américaine, elle conserve le caractère révolutionnaire. De la tradition japonaise, l’art de la guerre et la puissance des sentiments. Contrairement à Katniss ou Ripley, personnages froids, Alita brûle et déborde de passions. Ce qui peut, dans un premier temps, agacer tant sa niaiserie paraît mièvre, se révèle par la suite d’une force redoutable : l’amour qu’elle porte à ses proches et son sens de la justice très premier degré se transmuent en puissance subversive au sein de la société corrompue d’Iron City, dominée par la stature de la céleste Zachem.

Pour autant, Alita : Battle Angel est-il féministe ? L’empouvoirement féminin n’y conduit pas nécessairement. Quelque chose manque à l’accomplissement féministe d’Alita : le renversement du patriarcat. Sa force physique et sa détermination morale se mettent avant toute chose au service des hommes qui dans un premier temps la protégeaient, et que dorénavant elle se charge de protéger. Au lieu de renverser une institution délétère, elle accroît sa puissance pour mieux la consolider. Le male gaze tient lieu de garde-fou.

Film hybride, quasi bâtard, comme son héroïne

Mais assez parlé d’Alita. Parlons du reste. Et… c’est là que ça coince. De reste, il n’y en a pas. En-dehors de l’histoire du personnage principal, on apprend si peu de choses de la vie quotidienne à Iron City au XXVIe siècle, trois siècles après l’Effondrement de la civilisation terrienne. Quel dommage, au vu de la richesse graphique que promettait pareil univers ! Focalisé au plus près de la (re)construction de son héroïne, le récit oublie de regarder les à-côtés, de mettre en lumière les détails qui font la cohérence d’un monde. Sur ce point, Alita : Battle Angel se fourvoie de la même manière que les récents Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald et Mortal Engines (avec qui il partage l’esthétique post-apocalyptique). Des univers bouillonnant de la créativité promise par les effets spéciaux numériques se referment sur eux-mêmes, en rejouant une énième fois le classique et banal récit d’initiation. Le monomythe de Joseph Campbell a la vie dure, alors que de tels mondes se prêtaient volontiers à des expérimentations narratives davantage centrifuges, lorgnant vers la matière-même de l’univers, que centripètes.

Film hybride, quasi-bâtard, comme l’est son héroïne, Alita : Battle Angel ne manque ni de grâce, ni de prestance, mais sa lourdeur narrative et ses personnages secondaires caricaturaux l’entravent sur le sol de la banalité. Gageons que les prochains volets de ce qui s’annonce une nouvelle franchise gagnent en légèreté et en finesse.



La bande-annonce




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