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AKIRA

Tetsuo, un adolescent ayant vécu une enfance difficile, est la victime d’expériences visant à développer les capacités psychiques qui dorment en chacun de nous. Ainsi doté d’une puissance que lui meme ne peut imaginer, Tetsuo décide de partir en guerre contre le monde qui l’a opprimé. Dès lors, Il se retrouve au coeur d’une légende populaire qui annonce le retour prochain d’Akira, un enfant aux pouvoirs extra-ordinaires censé délivrer Tokyo du chaos…

Apocalypse now.

La pression sur Katsuhiro Otomo est énorme quand Akira sort dans les salles japonaises le 16 juillet 1988. Le mangaka a débuté cinq ans auparavant ce qui est son oeuvre maîtresse quand un consortium constitué de plusieurs entreprises – on y retrouve notamment la Toho ou encore Bandai – lui offre la possibilité d’adapter son manga avec un budget pharaonique de plus d’un milliard de yens (un peu moins de 10 millions d’euros) afin qu’il puisse délivrer sa vision cinématographique de l’apocalypse nucléaire. Un montant colossal que seul Les Ailes d’Honnéamise, produit par Gainax et sorti en 1987, touche du doigt avec ses 800 millions de yens. Mais Akira a aussi la responsabilité de faire passer un cap à l’animation japonaise, d’être une vitrine technologique pour montrer la supériorité du pays du Soleil Levant sur le monde. Le succès doit être au rendez-vous, impérativement.

Ce sera le cas. Porté par une campagne marketing massive déployée un an avant la sortie du film (en ajoutant la commercialisation de produits dérivés par Bandai), en plus de bénéficier de l’aura déjà très solide du manga qui continue de sortir durant la production et la sortie du film *, Akira ne rentre certes pas totalement dans ses frais sur le territoire japonais si l’on se concentre sur les cinémas, mais il est un énorme succès à l’étranger, notamment aux Etats-Unis où il paraît l’année suivante. Et c’est entièrement mérité.

Trente ans plus tard, Akira reste sans doute le film d’animation le plus impressionnant qui soit jamais sorti, avec Le Voyage de Chihiro. La fluidité des mouvements des personnages, leur apparence, la beauté des couleurs – comme ce rouge qui s’échappe des phares arrières des motos -, la grandeur de Neo-Tokyo… Tout est y majestueux et précurseur. Prouesses artistique et technique, le film est, à l’instar de Blade Runner ou de Metropolis un de ces films de SF où le monde futuriste qui y est décrit semble réel. Du chaos provoqué par la destruction de Tokyo à la fin du vingtième siècle est ressorti un nouveau monde qui court lui aussi à sa perte. Les gangs de motards se partagent la vie nocturne de la capitale japonaise quand le jour fait apparaître tout le désordre et la difficulté de la population à se remettre de la catastrophe passée. Et au milieu de tout ceci, une course contre-la-montre pour éviter une nouvelle catastrophe, des cobayes télépathes et un nom au poids immense : Akira.

Neo-Tokyo is about to E.X.P.L.O.D.E

Certains adeptes du manga ont reproché – et reprochent toujours – à Otomo d’avoir trahi son oeuvre, de l’avoir vidée de sa substance, notamment en invisibilisant Akira au détriment de Kaneda et de Tetsuo. Pourtant, en deux heures de film, il était impossible pour le mangaka de faire autrement ; et le choix de substituer toute représentation d’Akira est au contraire très sage, permettant à Otomo de se focaliser sur la relation entre Kaneda et Tetsuo, qui forme la substantifique moelle du film. Les intrigues politiques et sociales ne sont qu’une toile de fond qui donnent une densité certaine au film, mais là encore, il était impossible de tout traiter en aussi peu de temps comme dans le manga. Otomo privilégie donc le mouvement, la fuite en avant d’un Tetsuo incapable de se maîtriser et partant à la recherche d’un Akira réduit à l’état de cellules coincés dans des bocaux, la poursuite de Kaneda, essayant de sauver son ami et entraîner malgré lui dans une situation qui le dépasse largement.

film AKIRA
Mais Akira est aussi une révolution technologique. Avec ce budget, Otomo a vu les choses en grand et ça se voit à tous les niveaux du film. Plus de 160 000 celluloïds créés pour fluidifier au maximum l’animation et la rendre impressionnante, un recours aux images de synthèse sans en abuser et un impact colossal en terme de ton et de direction artistique. Le cinéma japonais avait déjà fait étalage de son talent par le passé, avec les Kurosawa, Kobayashi, Naruse, Teshigahara, Suzuki ou Mizoguchi, repris à divers degré par le cinéma américain ou européen ; c’est encore plus le cas avec Akira. Il est un des piliers de la pop-culture mondiale – combien de fois la scène du dérapage de la moto de Kaneda a t-elle été reprise en trente ans ? – en plus de s’inscrire comme un précurseur technologique et une vitrine pour l’animation japonaise dans le monde entier.

Car c’est à partir de la sortie d’Akira que le Japon va réellement commencer à exporter en masse ses productions cinématographiques et sérielles aux Etats-Unis et en Europe, notamment en France, même si le marché japonais entre en crise au début des années 1990, réduisant les budgets de films et séries futures. Cela n’empêchera pas les créateurs japonais à développer des sujets ambitieux et à continuer d’innover artistiquement pour continuer à être à la pointe de l’animation mondiale. Cela explique l’apparition de projets ambitieux suivant le chemin tracé par Akira, comme Ghost in the Shell de Mamoru Oshii qui poursuit dans le sillon steampunk, les productions Ghibli de Miyazaki ou Takahata ou encore Neon Genesis Evangelion d’Hideaki Anno qui redéfinit l’animation télévisée. Tout cela, grâce à un nom gravé dans la légende des septième et neuvième arts.


le quatrième tome intégral, Kei I, sort le 1er juillet 1987 et les chapitres sortent régulièrement jusqu’en 1990


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