featured_adam-resurrected

ADAM RESURRECTED

1961, en Israël. Adam Stein, un homme charismatique, est interné dans un institut psychiatrique pour rescapés de l’Holocauste dirigé par le professeur Nathan Gross. Avant la guerre, à Berlin, Adam était propriétaire d’un cirque, magicien, musicien, adoré du public et des nazis jusqu’à ce qu’il soit envoyé dans le camp de concentration du Commandant Klein. Adam survit au camp en devenant  » le chien  » du Commandant, alors que sa femme et sa fille sont envoyées à la mort.

Critique du film

Une chose est sûre, on ne ressort jamais indemne d’un film de Paul Schrader, aussi obscur et décrié soit-il. Privé d’exploitation en salle dans la plupart du monde, Adam Resurrected a été vivement rejeté par la critique et le public des différents festivals où il a été projeté. Une incompréhension globale qui concerne aussi bien l’imaginaire débridé du film que son pathos exacerbé (symptomatique du cinéma de Schrader). 

Adam Resurrected est l’adaptation du roman Adam ressuscité de l’écrivain israélien Yoram Kaniuk, publié en 1968, dont le titre pourrait être traduit littéralement par « L’homme, fils d’un chien ». Il raconte l’histoire d’Adam Stein (Jeff Goldblum), un ancien comique et homme de cirque, qui en 1961 se retrouve patient d’un hôpital psychiatrique destiné aux survivants de l’Holocauste, situé en Israël au beau milieu du désert. Sa rencontre avec un enfant-chien va lui rappeler son passé douloureux en camp de concentration, où un officier SS (Willem Dafoe) le prit comme « animal de compagnie », le forçant à se comporter comme un chien. Cette humiliation fut le prix douloureux de sa survie, dont il se sent toujours coupable, sa femme et sa fille n’ayant quant à elles pas survécu.

Lorsque les producteurs lui proposèrent le scénario du film, Schrader était intrigué par l’idée de traiter le thème de la douleur de l’Holocauste via ce qu’il appelle un « réalisme magique israélien », jamais vu encore au cinéma. Ce parti-pris esthétique est assez osé, dans la mesure où il se confronte à un sujet extrêmement sensible. Aussi, Schrader choisit de faire confiance à son personnage principal, en soumettant l’image à son approche sensible du réel et du souvenir. Le traumatisme d’Adam étouffe, au travers d’un usage massif de la longue focale et de la « shaky camera » (l’image bouge car la caméra est portée à la main), tandis que sa fantaisie et sa sensibilité nous « libèrent », l’image respirant enfin au travers de plans un peu plus larges.

Jeff Goldblum livre une prestation absolument remarquable, car sa persona sied parfaitement à la caractérisation de son personnage. Schrader l’a d’ailleurs imposé à ses producteurs (qui portaient leurs vues vers Gary Oldman), acceptant même de voire le budget du film diminué. Bien lui en a pris, tant le dandysme outrancier et grave de l’acteur permet de nous faire accepter la radicalité du métrage.

Lorsque le passé ne passe pas, le pathos explose et s’incarne au travers de motifs graphiques et dramaturgiques extrêmement forts. Tout est « bigger than life », pour le meilleur comme pour le pire. Le film n’est clairement pas étranger au mauvais goût,  notamment en ce qui concerne le personnage de Ayelet Zurer, sorte d’infirmière nymphomane en totale roue libre, mais tutoie également la grâce avec un radicalité absolument bouleversante. On pense par exemple aux scènes d’échanges entre Adam et l’enfant-chien, alternant violence et tendresse dans une souffrance partagée auquel le spectateur ne peut rester indifférent. 

Dans son errance, Adam n’a souhaité que la mort. Au bord du précipice, il choisit pourtant d’affronter sa peur. Au milieu du désert, apparaît (de nouveau) le Buisson Arden. La « révélation » est pour le moins surprenante, voire hallucinante : dans les flammes de ce qui jusqu’alors incarnait le Dieu éternel, apparaît le commandant Klein (Willem Dafoe), le monstrueux tortionnaire nazi à la source du traumatisme d’Adam. L’image employée a une portée symbolique beaucoup trop forte pour être réduite au seul cas du personnage principal. Cette fin sent le souffre, et interroge dans la mesure où elle se donne à être interprétée. Quelle est donc cette part d’ombre que les rescapés de l’holocauste doivent affronter ? Pourquoi le Mal est-il Révélation ? 

Autant de questions soulevées par cette oeuvre complexe, véritable ovni dans la filmographie de Paul Schrader, qui mérite amplement d’être découverte, étudiée et discutée.


Dans la tête de Paul Schrader, du 8 janvier au 2 février 2020 au Forum des Images

 




%d blogueurs aiment cette page :