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À LA RECHERCHE DE MR GOODBAR

Dans les années 1970, une enseignante pour sourds, célibataire et sage en apparence, s’aventure chaque nuit dans les quartiers chauds en quête d’expériences sexuelles débridées et sans lendemain avec toutes sortes de marginaux.

CRITIQUE DU FILM

Secrets bien gardés, certains films nous échappent pendant des années pour toutes sortes de raison (cf. notre article À la recherche des films invisibles) avant de réapparaître parfois miraculeusement. C’est le cas de ce film de 1977, bloqué jusqu’à présent pour des problèmes de droits musicaux. À la recherche de Mr Goodbar est enfin visible sur la nouvelle chaîne de streaming Paramount+.

Écrit et réalisé par Richard Brooks (De sang froid, La chatte sur un toit brûlant, Elmer Gantry le charlatan), le film est l’adaptation d’un roman à succès de Judith Rossner sorti deux ans plus tôt. Si son titre cryptique fait référence à une barre chocolatée, le film consacre la totalité de ses deux heures seize à la recherche d’une forme de bonheur qui échappe à l’héroïne. Issue d’une famille de catholiques irlandais intransigeants, Theresa Dunn est éducatrice pour enfants sourds. Elle a des rapports conflictuels avec son père mais une relation d’amitié solide avec sa sœur aînée (Tuesday Weld). Après une nouvelle dispute, Theresa quitte le foyer familial pour s’installer seule et connaît plusieurs relations non satisfaisantes avec des hommes qui se révèlent instables, imbus d’eux-mêmes, voire ennuyeux. Elle entame alors une double vie et fréquente des bars malfamés afin de vivre de nouvelles expériences.

Revers sombre de l’excellent Une femme libre (1978), À la recherche de Mr Goodbar est un portrait de femme à la dérive marquée par son passé, dont elle porte littéralement la cicatrice (une opération liée à une scoliose quand elle était petite). Pour cette raison, Theresa ne veut pas avoir d’enfant. Elle cherche simplement une relation satisfaisante. Elle aime le sexe, elle aime s’amuser, elle aime aussi son travail. C’est une femme intelligente et sensible, plongée dans un univers violent et vulgaire.

Car le film brosse le portrait d’une certaine Amérique pétrie de contradictions. Le père de l’héroïne fustige la perte de valeurs, le déclin de la religion et la libération des femmes. Les hommes que rencontre Theresa sont complètement paumés dans ce nouvel ordre sociétal, à la recherche eux aussi de valeurs. Le film décrit une Amérique en crise d’identité par le biais d’une métropole sale et laide, dont la seule porte de sortie est la fuite dans les paradis artificiels et les plaisirs de la chair. Rarement le cinéma américain aura montré avec autant d’acuité cette contradiction entre un discours puritain et une obsession pour la pornographie.

Dans ce monde rongé par la perversion et la débauche (à laquelle s’adonne aussi la sœur de Theresa), le sourire de Diane Keaton est la seule bouée de sauvetage. La même année qu’Annie Hall de Woody Allen – pour lequel elle remporte un Oscar – l’actrice illumine le film de sa présence, de sa fragilité, de son humanité. De jeunes acteurs y trouvent leur premier rôle marquant : Richard Gere, Tom Berenger.

Malgré son côté sombre et désespéré, le film est un succès en salle et obtient deux nominations aux Oscars. Sorti quelques mois après Star Wars, À la recherche de Mr Goodbar s’avère être un marqueur important du cinéma américain des années 1970, dont la diversité était alors à son apogée. Il interroge sur la place et le rôle de la femme dans la société. La recherche du plaisir pur est-elle admissible dans une société en perte de valeurs ? Laissons le dernier mot au réalisateur. Pour Richard Brooks : « C’est un film sur une jeune femme qui refuse la pitié, qui veut goûter intensément à la vie. Theresa est autant le produit de son époque que de ses propres fantasmes. »


Disponible sur Paramount+




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