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A DISTANT PLACE

Jin‑woo élève des moutons dans un ranch à Hwacheon. Le fermier partage cette paisible existence avec Joong-man, le propriétaire du ranch, sa fille Moon-kyeong et la jeune Seol. Ensemble, ils forment une famille discrète et appréciée. Jusqu’au jour où une arrivée inattendue va bouleverser la quiétude de la communauté.

Critique du film

Quitter la ville pour les zones rurales est une tendance qui s’est renforcée suite à la crise sanitaire, les familles – mais aussi une certaine frange plus jeune de la population – cherchant davantage de sérénité loin de l’agitation citadine. D’autres, plus démunis, y sont contraints afin de trouver un emploi, voir un moyen de se retrouver et de vivre plus en harmonie avec eux-mêmes quitte à abandonner leur vie d’antan. C’est le cas de Jin-woo, jeune homme posé et cultivé, qui a trouvé refuge sur les versants d’une montagne coréenne, à Hwacheon, au service d’un propriétaire fermier qui l’a accueilli, lui et Seol. Il chérit désormais ce mode de vie qui permet à celle dont il a la charge de grandir dans l’innocence au quotidien, arpentant les champs et nourrissant de bon cœur les animaux de l’exploitation. Le titre, A distant place, prend alors tout son sens – renforcé par une très belle séquence de lecture poétique -, pour illustrer ce lieu éloigné des tourments du passé et des questionnements existentiels.

Cette quiétude est même un temps complétée lorsque son ami étudiant le rejoint. Malgré les silences, les regards et les gestes en disent long et l’on comprend que les deux hommes sont liés par un amour et une tendresse infinies. Peut-être ont-ils enfin trouvé leur équilibre alors que ce compagnon trouve un poste d’enseignant littéraire dans la bourgade du coin ? Malheureusement, une autre personne leur rend visite et cet apaisement de circonstance vole progressivement en éclats.

A distant place

En adoptant en partie le point de vue de l’adorable Seol, dont la compréhension du monde se limite à la nature et aux animaux de la ferme avec lesquels elle est en contact, le réalisateur offre un regard pudique sur la famille. Chaque membre de cette tribu d’adoption a son rôle défini pour la petite fille qui file une existence heureuse à un âge où elle devrait commencer à fréquenter l’école. Mais le passé refait surface lorsque la sœur de Jin-Woo se présente au ranch afin de réclamer la garde de Seol, sa fille. On devine là aussi, malgré les non-dits, que celle-ci n’était pas en mesure de l’élever jadis et que son frère est devenu son parent de substitution tandis que l’enfant, elle, n’a jamais eu l’occasion de nouer le moindre lien avec celle qui l’a mise au monde. Cette dernière s’épanouit auprès de sa « famille », passant une bonne partie de son temps avec Mme Kim, qu’elle surnomme affectueusement « Nana », même si la doyenne montre quelques signes de fatigue – et même de démence.

Park Kun-young se concentre progressivement sur Jin-woo et la complexité de sa vie, sondant son choix de vivre et d’élever l’enfant dans une région reculée. À travers l’évocation de cette harmonie rompue, il illustre la difficulté à s’intégrer dans les petites communautés, souvent gangrénées par des élans racistes ou homophobes. Plus centrale encore, la notion de liens familiaux et ce qui les constitue, avec les relations dans le film et particulièrement d’Eun-young avec Jin-woo et Seol, montre que les liens du sang ne priment pas toujours. A distant place offrira d’ailleurs un magnifique instant d’échanges à l’approche de son épilogue, entre le propriétaire bienveillant et le fermier contrarié. Cette oreille compréhensive, subtile, attentionnée et accueillante renforce le déchirement personnel de Jin-woo, qui avait trouvé un foyer bien plus ouvert que celui qu’il avait visiblement fui.

Prenant le temps de raconter son récit intime et familial, Park Kun-young délivre un magnifique drama pudique et contemplatif, sublimé par sa photographie qui se pare des plus belles colorations automnales et hivernales. Ses prises de vue sont exquises, composant plusieurs tableaux de toute beauté. Si A Distant Place aurait gagné à approfondir un peu la caractérisation de ses personnages, profitant davantage de la belle qualité de ses interprètes, son observation de la vie rurale, de la discrimination et de la famille vise juste. Une merveille de maîtrise et de soin, de pudeur et d’émotion, visuellement époustouflante.

Bande-annonce

FFCP 2021




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