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CASSE-TÊTE CHINOIS

3
Superflu et artificiel

Xavier a maintenant 40 ans. On le retrouve avec Wendy, Isabelle et Martine quinze ans après L’Auberge Espagnole et dix ans après Les Poupées russes. La vie de Xavier ne s’est pas forcément rangée et tout semble même devenir de plus en plus compliqué.

Un de trop

Combien de sagas n’ont pas su s’arrêter au bon moment ? Combien de réalisateurs se sont fourvoyés en faisant le film de trop ? Du plus emblématique (F. F. Coppola) au plus navrant (Todd Phillips, qui a même réussi à lasser les indulgents amateurs…), beaucoup s’y sont cassés les dents. Cédric Klapisch n’y échappe pas et vient allonger cette longue liste de trilogies au troisième volet superflu avec un Casse-tête chinois aussi raté que décevant. 

L’attente était là et le plaisir de retrouver ces personnages (découverts il y a presque quinze ans) manifeste. Nous avons grandi et eux aussi… Enfin, eux, pas vraiment. Nous avons l’impression de les retrouver comme on les a laissés hier. On ne ressent pas le poids des années dans ce film qui pense que des répliques bidons du style « on a quarante ans » ou « la vie c’est pas simple » suffiront à faire croire au spectateur que de l’eau a coulé sous les ponts. Ce n’est pas suffisant. Ce n’est pas suffisant de reprendre le thème musical, l’identité visuelle et les quatre acteurs principaux en les transposant dix ans plus tard dans la Grande Pomme pour nous resservir la même recette, la saveur en moins. Klapisch peine tristement à se réinventer et essaie de noyer le poisson de son manque d’inventivité derrière sa mise en scène publicitaire qui ne surprend et ne satisfait désormais plus. 

À la naïveté touchante du très bon Les poupées russes (qui restera le meilleur des trois) a succédé la pseudo-désillusion de la quarantaine. C’est la crise au pays de la créativité avec ce volet qui tourne à vide. Souhaitant faire de ce volume 3 une mise en abîme encore plus éloquente, Klapisch s’embourbe au contraire dans une panne d’inspiration désolante ressemblant de façon inquiétante aux sitcoms que Xavier écrivait dans le précédent épisode. Les quelques clins d’oeil ne suffisent pas à faire avaler la pilule de ce troisième chapitre artificiel au possible où presque rien ne fonctionne.

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On ne croit pas à Xavier avec ses enfants, on ne croit pas à Isabelle la lesbienne-maman vulgaire et coureuse de jupons, on ne croit pas au divorce de Xavier et Wendy pas plus qu’on ne croit à son re-mariage dans la foulée, on ne croit pas à la famille recomposée et aux retrouvailles avec cette cruche de Martine qui se la joue dévergondée… On ne croit pas à ces personnages et c’est là où le bât blesse. Même les acteurs, apparemment contents de retrouver leurs rôles, jouent tous comme des pieds. Si ce n’est pas une nouveauté pour Audrey Toutou qui cabotine comme toujours, c’est en revanche plus désolant de voir Cécile de France et Kelly Reilly surjouer autant pour compenser le manque d’épaisseur de leurs personnages. Les interprètes s’amusent mais le spectateur (lui) se lasse et s’ennuie, malgré toute la sympathie qu’il peut éprouver pour la petite bande.

Klapisch a voulu être ambitieux en dissertant sur le statut de père divorcé tout en évoquant quelques sujets d’actualité pour s’auto-convaincre de façon illusoire qu’il est toujours un cinéaste engagé. Il effleure ainsi aléatoirement des thèmes comme l’homoparentalité (et la PMA), les familles recomposées, la mondialisation, l’immigration et le travail clandestin. Il se moque des riches qui vivent vers Central Park et cherche à nous envoûter avec le capharnaüm de Chinatown, c’est raté. On ne rit pas et le charme n’opère pas. Jamais il ne réussit à retrouver le souffle d’antan, pas plus qu’il ne signe un nouveau film générationnel emblématique. 

Trop de lacunes et de facilités scénaristiques, un happy-end redouté et impersonnel et des acteurs en roue libre, le joyeux bordel new-yorkais de Klapisch réussit même à être inférieur au banal Nous-York de G. Nakache. Casse-tête chinois démontre par A+B qu’il ne suffit pas de réembaucher les mêmes acteurs et réutiliser la même formule pour réaliser une suite décente et honorable. Le spectateur n’est pas dupe et réalisera bien vite qu’il a affaire à un troisième volet bâclé, artificiel et décevant qui ne referme pas la page de façon satisfaisante mais qu’il laisse en revanche des regrets et de l’amertume.

La fiche
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CASSE-TÊTE CHINOIS
Réalisé par Cédric Klapisch
Avec Romain Duris, Audrey Tautou, Cécile de France, Kelly Reilly
France – Comédie
4 décembre 2013
Durée : 117 min




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Steph Biv
10 années il y a

Ayant bien aimé les deux premiers volets, je me réjouissais d’aller voir le troisième… C’est chose faite…
Le narcissisme introspectif ne fonctionne plus : peut-être me suis-je lassée… Entendre, dès le début du film Romain Duris alias Xavier dire que pour la plupart des gens la vie consistait à aller d’un point A à un point B m’a atterrée. Qui peut prendre cette posture avantageuse de pseudo vagabond ( avec des arrières bien assurés, faut pas déc.) ? Il y a vraiment une majorité de quadragénaires pour penser cela ? Aujourd’hui ?
Tout le reste est du même acabit… Mais de belles vues de new-york ensoleillées…

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10 années il y a

[…] Nombreuses sont les comédies françaises d’une médiocrité navrante, rares sont les comédies un brin originales et réussies. Les derniers mois confirment la tendance de cette année (voire décennie) avec une ou deux comédies amusantes sans être géniales (9 mois ferme, 20 ans d’écart ou Le grand méchant loup si l’on se montre indulgent) et une avalanche de navets sans aucune espèce d’intérêt (Quai d’Orsay, Au bonheur des ogres…) ou bien plus banales qu’il n’y paraissait (Gallienne à table, Casse-tête chinois…) […]

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10 années il y a

[…] Côté musique, on apprécierait qu’elle mette en valeur l’une des rares qualités de Casse-tête chinois même si L’écume des jours fait figure de […]

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