bilan 2022 – habeas corpus

BILAN 2022 | Habeas corpus, un édito de la Bobinette Flingueuse

La Bobinette flingueuse est un cycle cinématographique ayant pour réflexion le féminisme, sous forme thématique, par le prisme du 7e art. À travers des œuvres réalisées par des femmes ou portant à l’écran des personnages féminins, la Bobinette flingueuse entend flinguer la loi de Moff et ses clichés, exploser le plafond de verre du grand écran et explorer les différentes notions de la féminité. À ce titre, et ne se refusant rien, la Bobinette flingueuse abordera à l’occasion la notion de genre afin de mettre en parallèle le traitement de la féminité et de la masculinité à l’écran. Une invitation queer qui prolonge les aspirations d’empowerment de la Bobinette flingueuse.


Une année placée sous le signe du corps des femmes

« Un droit implicite se doit d’être profondément enraciné dans l’Histoire et les traditions d’une Nation avant de pouvoir être reconnu comme composant une liberté » tentait d’expliquer Justice Samuel Alito pour justifier le revirement de la jurisprudence Roe vs. Wade. Ainsi, puisant sa bêtise au plus profond de la méthodologie originaliste, un homme aura une nouvelle fois tenté d’affirmer que la loi du monde est celle dans laquelle les femmes sont condamnées à procréer.

Il est regrettable de constater qu’à l’un des plus hauts niveaux de réflexion de notre temps, les voix qui s’expriment sont celles qui font fi du sens des mots, et plus encore du pouvoir de réveil des consciences qu’ils renferment. Car à considérer que l’implicite est ce qui est contenu dans un discours, non en termes clairs, exprès et formels, mais qui s’en tire naturellement par induction, par déduction et par conséquence, l’année 2022 aura, par un curieux sens de la répartie, répondu au pire de la doctrine patriarcale par la plus belle des expressions artistiques : le cinéma.

Saint Omer

En effet, parmi les belles propositions qui auront sillonné une année qu’il serait dommageable de qualifier d’inexistante sous le prétexte qu’elle fut particulièrement exigeante, la singularité de 2022 se matérialise sous la forme d’un étrange fil rouge, qui aura relié entre elles plusieurs héroïnes très différentes mais aux combats qui se répondent.

De manière volontaire ou non, plusieurs cinéastes auront choisi mettre en lumière des histoires de femmes à la fois intimes et universelles, au travers de leur rapport au corps, ainsi que des regards extérieurs portés sur celui-ci. De plus, certains des plus beaux films de l’année ont eut pour essence même d’interroger et de déconstruire avec force le mythe du temple de la vie, pour réaffirmer que loin d’appartenir à une idée ou à un être en devenir, le corps des femmes est encore et toujours un instrument de luttes et l’expression fondamentale de leur viscérale indépendance.

« TU SERAS MÈRE, MA FILLE »

Il n’est jamais trop tard pour crier du fond du coeur. 2022 l’aura bien compris, et ce sont en vérité des cris aux décibels multiples qui auront investi nos salles obscures cette année, clamant haut et fort leur revendications malgré les écarts de génération et de statut social, de croyances et de territoires.

Annie Colère

Au détour d’aventures aquatiques et super-héroiques, l’année aura été marquée par les doutes de Rakel et l’amour de Rachel, par les interrogations de Rama et la colère d’Annie. Toutes auront eu pour point commun de se réapproprier leur maternité, grâce aux regards d’Ingvild, de Rebecca, d’Alice et de Blandine. À leurs côtés, nous avons pu rire, pleurer, aimer, et nous indigner – nous aurons vécu des moments d’infinie générosité et de vérité, tout entier dévolus à proposer autant de versions du féminin différentes et à démystifier le piège d’une maternité naturelle, facile et donc nécessairement intrinsèque à la condition de la femme.

Assurément, 2022 aura été une grande année. En racontant des parcours de femmes aussi divers que nécessaires, le cinéma aura réaffirmé l’absolu non-sens qu’est la généralisation imposée d’un idéal maternel. À ces réalisatrices qui auront su transmettre par l’image une émotion qui restera longtemps gravée dans nos rétines, ces quelques mots ont pour vocation de leur témoigner reconnaissance et gratitude, ainsi que la hâte de les retrouver – elles, et d’autres – au détour d’une prochaine séance.




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